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Impact de l'élevage sur l'environnement (3/8)

Dernière mise à jour : 19 avr. 2023


Un sujet pas aussi simple qu'on aimerait nous le faire croire


Dans les médias ou sur internet, on ne va pas se mentir, l'élevage est accusé de tous les maux. On en dépeint un tableau très noir et on en viendrait presque à culpabiliser de manger de la viande. La réalité, n'est cependant pas aussi simple qu'on aimerait nous le faire croire. Certes, l'élevage a un impact négatif sur notre environnement et doit profondément revoir son modèle. Jean-Louis Peyraud explique d'ailleurs que réduire cet impact est le plus grand défi que le secteur ait à relever. Mais l'élevage rend aussi d'énormes services environnementaux, qui sont trop souvent mis sous couvert. Jean-Louis Peyraud, dans son rapport, va jusqu'à expliquer que l'élevage est le problème d'aujourd'hui mais sera une des solutions de demain. Nous allons tâcher, dans cette partie de vous expliquer pourquoi.


Les effets négatifs de l'élevage sur l'environnement

Quelques chiffres

Nous allons d'abord démarrer par une mise en perspective en regardant les émissions de gaz à effets de serre (GES) par secteur en Europe (étude datant de 2017) :

  • Secteur industriel : 38%

  • Transports : 21%

  • Secteur du tertiaire : 12%

  • Secteur agricole : 10%

Plusieurs réflexions me viennent quand je vois ça.

  • D'une part, 10% d'émission de Gaz à effet de serre (GES) pour l'agriculture, c'est toujours trop on est bien d'accord. Mais ces GES sont émis par un secteur qui est là pour nous permettre de manger. C'est surement celui qui a la mission la plus essentielle et c'est pourtant celui qui en produit le moins. Les problèmes prioritaires sont peut-être ailleurs. Mais qu'on soit bien d'accord, ça n'empêche pas le secteur agricole de faire sa mue et de remplir les objectifs qu'il s'est fixé.

  • D'autres part, on va le répéter et le re répéter, il est complètement faux de dire que le secteur agricole émet autant de GES que le secteur des transports. Cette information est venue de manière erronée d'un rapport de la FAO en 2006. Ils avaient en fait pris en compte toutes les activités autour de l'élevage (transports des animaux, usines de transformations...) alors que sur les transports ils n'avaient pas compté les activités annexes comme l'extraction du pétrole par exemple ! On comparait donc des choux et des carottes. La FAO a fait un communiqué de presse pour démentir l'information et s'excuser mais c'était trop tard, le mal était fait. J'ai encore entendu une personnalité utiliser ce chiffre il y a quelques jours sur un Podcast...


Maintenant qu'on s'est dit ça, l'élevage impacte négativement l'environnement en produisant du méthane, du protoxyde d'azote et du dioxyde de carbone. Les bovins sont les plus gros contributeurs (37% des émissions pour la viande et 19,8% pour le lait). Il impacte ainsi la biodiversité, la qualité de l'air et la qualité des eaux.


Des effets négatifs accentués par la spécialisation et l'intensification


Voici ce qui explique ces émissions de GES sur une exploitation :

  • Le processus de décomposition pendant la digestion des ruminants : j'y croyais pas mais effectivement les vaches, en digérant, émettent beaucoup de GES (en rotant en fait pour être très concrète). Je n'y croyais pas car ça me paraissait un peu gros de nous faire croire que la vache pollue par elle-même mais c'est bien vrai, le rapport le confirme.

  • La gestion du fumier : de grosses quantités de fumiers sont produites et aujourd'hui on sait mal les gérer et les utiliser, du coup ils amènent souvent une pollution annexe.

Certaines pratiques ont accentué ces effets :

  • La spécialisation des régions et des exploitations : on en a parlé, après la seconde guerre mondiale, un vent de modernisation a soufflé sur les exploitations. Pour gagner en productivité, ces dernières se sont spécialisées en faisant que de la culture ou que de l'élevage. Aujourd'hui en Europe, seules 10% des exploitations sont mixtes. Cette spécialisation a même fini par concerner des régions. Par exemple en France : en Bretagne, on a une grosse concentration d'animaux alors que dans le Nord on a quasiment que des cultures. Cela pose un vrai souci puisqu'on ne peut pas profiter d'un cycle agroécologique. Sur une exploitation mixte par exemple : l'éleveur produit ses céréales, il utilise les végétaux non comestibles par l'homme pour l'alimentation de ses vaches puis il utilise le fumier issu des sécrétions de ses animaux comme engrais pour ses cultures. On est dans un cercle vertueux que ne peuvent plus avoir de nombreuses exploitations.

  • La diminution de la part de prairies : la surface de ces dernières a été réduite de 15 millions d'hectares sur les trente dernières années. Or, ces prairies rendent de grands services environnementaux (cf ci-dessous). Leur diminution représente donc un vrai problème agroécologique.

Son rôle dans la déforestation

Pour terminer sur ces côtés négatifs, l'élevage européen à participé à la déforestation. Là encore je trouve l'histoire incroyable : en 1992 on a signé avec les Etats-Unis les accords de Blair House. Ces accords nous ont obligé, à nous européens, de réduire notre production de soja (on a bien dû avoir quelque chose d'intéressant en échange, je n'ai pas étudié quoi). Du coup, ça nous a forcément rendu très dépendants des Etats-Unis puis du Brésil et de l'Argentine pour obtenir des oléagineux (soja par exemple). C'est comme ça qu'on a importé entre 1990 et 2009 près de 36% de la déforestation... Le soja permet aux producteurs d'améliorer les rendements de leurs animaux et est devenu indispensable pour qu'ils puissent gagner leur vie. Aujourd'hui, nous sommes devenus beaucoup plus regardant et le ministère de l'agriculture fait de l'autonomie protéique (le fait de produire le soja chez nous) une priorité. On estime désormais que 80% du soja qu'on importe provient de régions à très faible risque de déforestation. Il reste du boulot mais on est sur la bonne voie.



Les effets positifs de l'élevage et les services qu'il nous rend

Maintenant qu'on a dépeint un tableau bien noir de l'impact de l'élevage sur l'environnement, il serait sacrément injuste de ne pas parler de tous les services qu'il rend (c'est pourtant souvent ce qu'on fait). Et il y en a un paquet ! En voici la liste :


Tant qu'il y a de l'élevage, il y aura des prairies. Ces prairies sont précieuses car elles stockent énormément de carbones. Ce sont des espaces de biodiversité également : fleurs, insectes, plantes...ils sont nombreux à s'épanouir dans le prés ! Les prairies nous permettent aussi de garder des espaces ouverts et d'ainsi nous protéger d'incendies ravageurs : s'il n'y avait pas de prairies, il n'y aurait que de la forêt et des broussailles et si un départ d'incendie arrivait il ravagerait tout sans limite. Jean-Louis Peyraud va jusqu'à proposer que la PAC récompense les agriculteurs qui ont des prairies permanentes.


Tant qu'il y a de l'élevage, il y aura de la vie dans les territoires ruraux. Quel avenir souhaitons-nous pour notre France ? Le taux d'urbanisation est déjà de 80% (un gros problème selon moi, dont on parle peu). Souhaitons-nous tous vivre en ville ? L'élevage créé de l'emploi et maintient la vie humaine dans nos campagnes qui sont déjà en train d'être désertées. Il maintient aussi la vie humaines dans nos montagnes par exemple, avec tous les services qui y sont associés (entretien des territoires, lutte contre les incendies...). En France, l'élevage représente 800 000 emplois indirects (éleveurs, chauffeurs de camion, usines...)


Tant qu'il y aura de l'élevage on pourra se nourrir efficacement en gaspillant le moins possible.

On accuse souvent l'élevage d'utiliser les ressources de manière non efficace. En schématisant le discours est le suivant : le soja est mangé par les animaux qui sont eux-mêmes mangés par les hommes. Dans ce cas-là, autant que l'homme mange directement le soja ! Mais cette idée préconçue est fausse. Prenons l'exemple du blé : l'homme ne peut manger que les grains. Nous ne pouvons pas aux dernières nouvelles digérer la tige et les feuilles. C'est là que les ruminants jouent leur rôle le plus utile pour l'homme : ils sont capables de manger ces tiges et ces feuilles pour les transformer en aliments comestibles pour nous (viande et lait par exemple). 86% de l'alimentation des animaux n'est pas comestible pour l'homme. Jean-Louis Peyraud le dit dans son rapport "les ruminants sont des recycleurs par nature" et ils sont extrêmement efficace pour maximiser les apports d'une surface cultivées donnée.

C'est pour cette raison qu'il est aussi faux de dire qu'être végan permet d'utiliser moins de surfaces. Le régime alimentaire permettant une surface agricole minimale contient entre 15% et 30% de protéines d'origine animale :

  • En-dessous de ce seuil, il n'y a pas suffisamment d'animaux pour recycler la partie non comestible des plantes et les transformer ainsi en protéines (lait, viande). Il faut donc de nouvelles surfaces cultivées pour compenser ce manque de lait ou viande afin de nourrir sainement la population

  • Au-dessus de ce seuil, il y a trop d'animaux et ils ne peuvent plus se contenter des végétaux non comestibles par l'homme, il faut donc leur donner des aliments qu'on pourrait nous-même manger. Ils font donc concurrence à l'alimentation humaine et les surfaces nécessaires augmentent très vite.

Voici le schéma de l'INRAE qui le montre très bien :



Prochain article : L'impact de l'élevage sur notre santé

 

Poursuivre la lecture du dossier "L'élevage : le problème mais aussi la solution" :


Pour aller plus loin : écoutez le Podcast !


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