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Retour sur la conférence Groupama : “Comment assurer une transition agricole durable ?”

Dernière mise à jour : 25 avr.

Lors de l'édition 2024 du Salon International de l'Agriculture, j'ai eu le plaisir d'animer la conférence organisée par Groupama, sur la belle scène de La Ferme Digitale. Au programme, une thématique au cœur des enjeux actuels : comment assurer une transition agricole durable ?


Vous le savez, le monde agricole est certainement face à un des plus grands défis qu'il n'ait jamais eu à relever : nourrir une population croissante, en ayant un impact positif sur l'environnement, le tout à des prix accessibles. Pour aider les agriculteurs à faire face à ce challenge immense, de plus en plus d'acteurs et d'outils font leur entrée sur le marché avec la promesse de les accompagner dans leur transition écologique. C'est particulièrement le cas pour le secteur des énergies renouvelables et des crédits carbones : méthanisation, panneaux photovoltaïques, agrivoltaïsme, marché carbone… sont devenus des mots couramment utilisés dans le monde agricole.

Mais qu'en est-il vraiment ? Ces solutions sont-elles le nouvel eldorado pour les agriculteurs ? Comment bien réfléchir à son projet pour qu’il soit mené au service de la durabilité de l'exploitation et de l'environnement ?


Pour répondre à ces questions, trois experts étaient réunis autour de la table :

  • Olivier Pardessus, Responsable Offres et Services Agricoles à Groupama

  • Thomas Martal, CEO de Stock CO2

  • Gilles Van Kempen, agriculteur et Vice-Président de la Fédération Française des Producteurs d'Agrivoltaïsme (FFPA)

Bref, que du beau monde pour nous aider à décrypter ces enjeux clés pour l'ensemble du monde agricole ! Petite rétrospective des propos tenus pendant la conférence… 



Les agriculteurs et le réchauffement climatique : coupables, victimes ou sauveurs ?


Avant d'entrer dans le cœur du sujet, il est nécessaire de planter le décor : le réchauffement climatique est depuis quelques années une réalité pour nos agriculteurs à tout point de vue.


Dans les exploitations d'abord : Gilles Van Kempen en témoigne, les agriculteurs sont en première ligne face au réchauffement climatique. Il connaît par exemple sur son exploitation des printemps de plus en plus chauds, des hivers de plus en plus pluvieux et des gels tardifs qui peuvent mettre en péril des pans entiers de ses cultures.


Dans le débat sociétal ensuite : les agriculteurs sont régulièrement accusés d’être responsables de ce réchauffement climatique. Olivier Pardessus nous explique :

"L'agriculture est responsable de 20% de nos émissions carbone mais ne représente que 2% de notre PIB. Il est donc aisé de faire un raccourci et de conclure qu'il n'y qu'à supprimer les activités agricoles pour réduire notre impact environnemental !".

Avant d’ajouter : "Il faut arrêter de pointer l'agriculture du doigt, c'est au contraire une des premières solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Le potentiel de captation carbone et de production d'énergies renouvelables est énorme. Il faut cependant accompagner les principaux acteurs dans cette dynamique pour réussir collectivement la transition".


Quoi qu'il en soit, il est important de noter que la prise en compte de ces nouveaux enjeux environnementaux complexifie fortement le métier d’agriculteur mais aussi des acteurs du monde agricole qui les accompagnent.


Produire en quantités suffisantes avec de tels aléas climatiques, le tout en améliorant son impact sur l'environnement, demande réflexions stratégiques, technicité et innovation. Olivier Pardessus nous explique ainsi que ces mutations ont par exemple conduit Groupama à créer de nouvelles solutions pour accompagner au mieux les agriculteurs dans leur transition.



Il en veut pour exemple l'apparition des robots et des nouveaux équipements sur les exploitations : "Quand la startup Naïo Technologie est venue nous voir pour assurer ses premiers robots agricoles, il n’existait rien ou presque à ce moment-là ! Nous avons dû construire des offres adaptées à ces nouveaux équipements.". Autre exemple, “Nous avons été en première ligne dans la réforme de l’assurance Récolte”.


Alors, agriculteurs, coupables, victimes ou sauveurs du monde agricole ? Nous vous laisserons en juger mais, quoiqu'il en soit, il est évident qu'ils seront des acteurs clés de la transition environnementale de notre pays. 



Les énergies renouvelables : l'alliance entre économie, écologie et agriculture


Un secteur en plein essor


Lorsqu'on parle de transition agricole durable, le sujet de la production d'énergies renouvelables sur les exploitations arrive souvent en tête de liste des priorités agricoles. Olivier Pardessus dresse un panorama des options disponibles, en mettant en lumière deux grands types d'énergies renouvelables : la méthanisation et l'énergie solaire, l'éolien restant pour l'instant une solution à la marge.



La méthanisation, présente depuis plus de 20 ans dans les fermes, connaît une évolution significative. Auparavant, elle était plutôt anecdotique et utilisée en cogénération, pour la production d'électricité. Aujourd'hui, les projets se sont multipliés, plutôt dans une optique de production de gaz directement injectée dans le réseau. Concernant cette énergie renouvelable, l’enjeu sera double : maintenir les unités en bon état (et éviter de gros sinistres) et trouver un équilibre quant aux productions végétales cultivées pour la production alimentaire et celles destinées à être substrat du méthaniseur.


Parallèlement, la production d'énergie solaire est en plein essor, avec une forte accélération ces dernières années, notamment sur les toitures des bâtiments agricoles. De plus en plus, on observe également le développement de l'agrivoltaïsme, une pratique qui combine la production d'énergie solaire avec des activités agricoles. Olivier en est convaincu :  

"Demain, les agriculteurs ne seront plus uniquement agriculteurs, ils seront aussi producteurs d'énergie".

Une source de revenu non négligeable pour les agriculteurs


Gilles Van Kempen nous partage son retour d’expérience en tant qu’agriculteur. Lors de son installation, il avait besoin d'un nouveau bâtiment pour lancer une activité de production de semences. Pour le financer, Gilles a décidé d'intégrer sur les toitures des panneaux solaires. 

Très engagé dans la transition agricole, ce passionné nous raconte également qu'il est en pleine construction d'un projet d'agrivoltaïsme, avec un collectif de six producteurs en grandes cultures. Ces derniers  ont désormais besoin, d'un point de vue agronomique, de réintroduire l'élevage dans le cycle cultural. L'agrivoltaïsme s'est alors imposé comme une évidence :

" En mettant en place ce projet, notre objectif est d'utiliser les revenus générés par les panneaux solaires pour financer la mise en place d'un élevage ovin sur les terres concernées."

Olivier Pardessus insiste : "Bien menées, ces solutions d’EnR sont de véritables atouts économiques mais aussi agronomiques et environnementaux. Nous pouvons produire de l'énergie verte et locale, en ayant un impact positif sur la production agricole et sur le revenu des agriculteurs !".

Et nos deux invités sont unanimes, si on veut que les agriculteurs s'engagent dans une transition écologique, il est impératif qu'ils s'y retrouvent d'un point de vue financier. C'est en alignant intérêts économiques et intérêts écologiques que nous pourrons espérer une transition efficace !




Mais une activité qui fait encore aujourd'hui débat...


Malgré des avantages évidents, les énergies renouvelables suscitent encore des débats. À Olivier de souligner :  "La souveraineté énergétique ne doit pas primer sur la souveraineté alimentaire". Et c'est bien la crainte des instances décisionnaires. Un décret vient d’ailleurs tout juste de sortir  pour limiter ce risque. 



Olivier et Gilles s'accordent cependant à dire qu'il est nécessaire de faire confiance au monde agricole pour trouver des solutions équilibrées. Selon Gilles, l’encadrement législatif de l’activité est impératif mais il faut aussi laisser les acteurs réaliser des tests pour trouver les meilleures options possibles. 


....et qui s'avère complexe à mettre en place


Pas de doute, lorsqu'on est agriculteur et qu'on veut se lancer dans la mise en place d'un projets agrivoltaïques, il faut être motivé ! Gilles témoigne :

"Nous avons démarré le projet en 2024. Aujourd'hui, nous avons déposé le permis de construire qui est toujours en cours d'instruction. Nous espérons produire les premiers agneaux et les premiers kilowatts d'électricité en 2027 si tout va bien. Dans le meilleur des cas, le projet aura donc mis sept ans à voir le jour !". 

Olivier confirme : "Ce sont des projets complexes et parfois longs à mettre en œuvre, notamment d'un point de vue juridique, économique et sociétal car il s'agit de nouveaux métiers. Tout le monde doit apprendre sur le sujet !".


Notre invité du jour prend l’exemple des assurances. L’activité d’agrivoltaïsme implique systématiquement une co-activité avec plusieurs intervenants :

  • Le développeur de projet, qui installe les panneaux solaires et produit l'énergie

  • L'agriculteur qui exploite les terres

  • Et, parfois, le propriétaire foncier, qui peut être différent de l'exploitant.


Dans ce cadre-là, qui porte le risque ? Que se passe-t-il si une machine agricole percute l'installation agrivoltaïque et la détruit une partie ? C'est tout cela qu'il est nécessaire de définir et étudier le plus en amont possible.


Et c'est là qu'intervient un acteur clé comme Groupama sur la partie assurance. Olivier explique : "Chez Groupama nous avons trois enjeux sur le sujet :

  • Former nos collaborateurs en interne puisque, d'ici 2030-2040, un agriculteur sur deux produira de l'énergie verte sur son exploitation. On a donc besoin de ressources en nombre pour répondre à la demande.

  • Accompagner les agriculteurs porteurs de projet en faisant de la pédagogie et de la prévention pour alerter sur les risques. Il s'agit d'être impliqué le plus en amont possible dans le projet pour penser avec eux aux risques et surtout aux solutions à mettre en place pour limiter ces derniers, et notamment pour les installations photovoltaïques sur le bâtiment.

  • Sécuriser la filière en posant un cadre réglementaire pour que l'ensemble des acteurs répondent aux mêmes règles et qu'on assure la pérennité de ces installations et des exploitations qui se lancent : un respect des mesures de prévention dès la conception du projet est un atout majeur."


Olivier conclut : "relever ce défi collectif nécessite une collaboration étroite entre agriculteurs, énergéticiens et acteurs clés du monde agricole.”

Quoiqu'il en soit, Olivier comme Gilles sont unanimes : la production d'énergies renouvelables a de l'avenir dans les fermes et, bien conduite, représente un pilier d'une transition agricole durable.



Le marché carbone : une nouvelle filière pleine de promesses


Quand on parle de transition durable, une nouvelle filière pointe également le bout de son nez : la filière des marchés carbone. Nous avons profité de la présence de Thomas Martal, fondateur de Stock CO2,  pour éclaircir le sujet. Notre invité a ainsi démystifié le monde complexe des marchés carbone et nous a partagé comment son entreprise œuvre à concilier transition écologique et intérêts économiques pour les agriculteurs.


Parce que c'est bien l'objectif de Stock CO2 : mettre en relation des entreprises qui souhaitent compenser leurs émissions carbone avec des agriculteurs qui cherchent des solutions pour financer leur transition. Thomas nous explique :

“Stock CO2 œuvre comme un tiers de confiance entre les deux parties, notamment grâce au Label bas carbone”.

Mais concrètement, comment un agriculteur doit-il procéder s'il souhaite s’impliquer dans le marché carbone volontaire ?



Le sujet du marché carbone volontaire peut paraître un peu flou avant de s’y pencher. Thomas Martal nous l’explique en pratique ! Dans un premier temps, l'agriculteur peut se rendre sur le site de stock CO2 pour utiliser l'outil d'aide à la décision "Carbone Diag” Thomas raconte : “Cet outil permet aux agriculteurs d'évaluer rapidement leurs émissions de carbone et de tester différents plans d'action pour réduire leur empreinte environnementale.” 

Si les résultats du diagnostic confirment l'intérêt de l'agriculteur, ce dernier se met en relation avec Stock CO2. L'entreprise s'occupera alors de définir un plan d'actions précis. L’agriculteur devra, sur une durée de 5 ans, mettre en place des actions mesurables, certifiées par le label "bas carbone", attestant qu'ils génèrent un certain nombre de crédits carbone grâce aux pratiques agricoles définies en amont dans le plan d’actions.

Il recevra des versements tous les ans par les entreprises qui souhaitent acheter ces crédits carbones. Il s’agit d’une avance, pour éviter à l’agriculteur d’attendre cinq ans avant de toucher l’intégralité de la somme. 



Pour quelle rémunération ?


Bien que la rémunération varie significativement en fonction de la taille et de la production de l'exploitation agricole, Thomas estime que les agriculteurs peuvent percevoir entre 1000€ et 5000€ par an. Il souligne : “Les crédits carbone ne constituent qu'une petite partie du revenu de l'agriculteur et n'a pas vocation à devenir sa principale ressource financière.” 


Les agriculteurs sont bien sûr motivés par l'aspect financier, mais aussi par l'intérêt agronomique et la volonté de s'engager dans une transition écologique.

C'est aussi pour eux l'occasion de bénéficier d'un accompagnement technique et d'une vision sur cinq ans pour mener son exploitation vers une activité plus durable.


Et les entreprises qui investissent, qui sont-elles ?


Les entreprises acheteuses de crédits carbone varient du particulier aux grandes entreprises du CAC40.  Quoi qu'il en soit, toutes s'inscrivent dans une démarche volontaire. Thomas nous explique :

"Les principaux acheteurs sont plutôt des ETI ou grandes entreprises voire des structures publiques ou institutionnelles. Elles sont motivées par l'atteinte de la neutralité carbone notamment parce qu'elles sont  soucieuses d'améliorer leur image de marque auprès de leurs clients et salariés."

Une nouvelle activité à assurer et sécuriser


Ici aussi, comme pour la production d'énergies renouvelables, les dossiers sont complexes à mettre en œuvre et l'émergence de cette nouvelle activité pose la question de la sécurisation de la filière. Stock CO2 et Groupama travaillent main dans la main pour construire une nouvelle offre assurantielle avec un double objectif :

  • Rassurer les entreprises qui investissent pour les encourager à acheter des crédits carbone aux agriculteurs et ainsi favoriser le développement de ce marché Carbone ; 

  • Couvrir les agriculteurs en cas de souci. Olivier Pardessus mentionne par exemple que rien n'est prévu si, au cours des cinq années de projets, il arrive un pépin à l'exploitant qui est alors dans l'incapacité de poursuivre la mise en œuvre du projet. Avant le développement de nouveaux produits d'assurance, ce dernier devait rembourser l'avance qu'il avait touché annuellement car il n'était plus capable d'aller au bout des cinq années de projet. Et ce malgré les actions mises en place depuis le lancement du projet. Une hérésie selon nos invités !


Ici aussi, Olivier Pardessus souligne “Avec l’émergence de cette nouvelle filière, il est impératif de construire un cadre collectif pour pérenniser ces nouvelles activités et les acteurs qui s'y investissent !”. 


Pour conclure cette conférence, nos trois invités du jour insistent : la transition doit se faire de manière réfléchie pour qu'elle soit efficace et pérenne. Il s'agit de collectivement bien penser ces nouvelles activités pour que l'ensemble des acteurs, et particulièrement les agriculteurs, s'y retrouvent dans les années à venir.


Un grand merci à Olivier Pardessus, Gilles Van Kempen et Thomas Martal de nous avoir éclairés sur ces enjeux clés du monde agricole ! 




Louise Lesparre

Fondatrice de La Clé des Champs



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