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[Decryptage] : Chambres d’agriculture 2025 : des élections au cœur de l’actualité agricole

Photo du rédacteur: LouiseLouise

Dernière mise à jour : 14 janv.



Les élections des chambres d’agriculture, souvent discrètes pour le grand public, jouent pourtant un rôle important dans l’organisation du monde agricole. Elles ont lieu tous les six ans, et les prochaines approchent à grands pas puisqu'elles se tiendront en janvier 2025.




Ces élections sont bien plus qu’une formalité administrative : elles sont un indicateur précieux des dynamiques syndicales, des préoccupations des agriculteurs et des orientations de politique professionnelle à venir dans le secteur. Alors que les agriculteurs s’apprêtent à voter, quels sont les enjeux de ces prochaines élections dans un contexte agricole mouvementé ? Tentative de décryptage !



Que sont les chambres d’agriculture et à quoi servent-elles ?


Petit rappel d'abord : les chambres d’agriculture sont des établissements publics dirigés par des élus agricoles. Il en existe 89 au niveau départemental et 13 au niveau régional.

Leur rôle est multiple :

  • Représenter la profession auprès des pouvoirs publics,

  • Être force de proposition dans l’évolution des politiques agricoles,

  • Accompagner les exploitants dans leurs projets (conseil technique, gestion administrative).


En somme, les chambres d’agriculture sont au croisement entre une fonction d’appui et un rôle de représentation, ce qui les rend aujourd'hui incontournables sur bien des sujets.



Pourquoi des élections ? Comment ça fonctionne ?


Le Conseil d'administration des chambres d'agriculture, aussi appelé session, est composé de 34 à 37 membres : environ 55 % des élus sont agriculteurs exploitants, et 45 % sont issus d'autres professions : salariés agricoles, anciens exploitants, coopératives, CUMA, Crédit Agricole, MSA et syndicats agricoles, par exemple. Les membres ont donc des profils très variés, avec une volonté de garantir une vision plurielle et équilibrée des enjeux agricoles.



Tous les six ans, les agriculteurs sont appelés aux urnes pour réélire leurs représentants. Les listes de candidats sont présentées par les principaux syndicats agricoles, chaque syndicat ayant sa vision et ses priorités pour le secteur. Voici les principaux syndicats et les pourcentages de votes qu'ils ont obtenus lors des dernières élections :

  • La FNSEA et les Jeunes agriculteurs (JA,) qui font souvent liste commune (55,3% des voix). Ils sont à la tête de la quasi-totalité des chambres d'agriculture départementales et régionales.

  • La Coordination rurale (21,5% des voix). Elle est majoritaire dans trois chambres d’agriculture : la Vienne, la Haute-Vienne et le Lot-et-Garonne.

  • La Confédération Paysanne (20% des voix)

Les agriculteurs inscrits sur les listes électorales reçoivent un courrier contenant les bulletins de vote pour exprimer leur choix, contribuant ainsi à un processus démocratique représentatif.



Une élection sous tension dans un contexte mouvementé


Les élections des chambres d’agriculture sont donc un enjeu majeur des luttes syndicales. C’est d’autant plus vrai qu’elles déterminent  la répartition des aides de l'Etat à chacun des syndicats. Comme nous l’avons vu, historiquement, la FNSEA et les JA dominent la majorité des chambres. Cependant, la crise profonde que traverse l’agriculture et les manifestations récentes laissent présager une percée (qui pourrait être inédite) de la Coordination Rurale.


L’année 2024 a en effet été marquée par des crises successives :

  • Des conditions climatiques extrêmes avec une pluviométrie inhabituelle,

  • La gestion des épizooties qui ont vivement impacté les éleveurs de l'ensemble du territoire (MHE et FCO),

  • Les accords du Mercosur, validés il y a quelques jours, au grand dam de nombreux acteurs du monde agricole. Ces accords viennent concurrencer encore un peu plus la production française, pourtant mieux-disante en termes de qualité et de sécurité sanitaire.


Ces événements ont exacerbé le malaise profond des agriculteurs, souvent en colère, et qui pourraient être enclins à voter pour des syndicats portant des actions et des discours de rupture. Bref, l'agriculture ne fait pas exception : les crises profitent souvent aux extrêmes. 



Une remise en question des syndicats ?


Si les élections confirment ce revirement, les acteurs clés du syndicalisme agricole devront, par la force des choses, se remettre en question. En effet, passées les manifestations spontanées du début d'année 2024, les représentants syndicaux semblent peiner à s’aligner sur les attentes des agriculteurs. Pire encore, chaque syndicat a voulu imposer sa vision de l'avenir agricole aux médias et aux politiques, créant une forme de cacophonie qui a sans aucun doute desservi l’ensemble des acteurs agricoles. Le message a perdu en clarté, et le monde agricole a donné l'impression qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait, tant les discours publics étaient dissonants.


Une étude menée par la FNSEA en 2019 et 2020 remontait déjà des signaux d'alerte, exprimant le désintérêt croissant des agriculteurs pour leur syndicat.

Ainsi, les jeunes agriculteurs déclaraient se reconnaître de moins en moins dans les structures syndicales actuelles, tandis que 25 % des agriculteurs sondés jugeaient que les syndicats n'étaient plus en phase avec leurs attentes. (Source : étude FNSEA et Data Agri 2019 et 2020)


Ne nous y trompons pas : les syndicats ont beaucoup œuvré pour l'avancée et la structuration de notre agriculture, particulièrement après la guerre, lorsqu'il a fallu tout reconstruire. Cependant, les enjeux et les attentes des agriculteurs ont profondément évolué depuis, obligeant certainement les syndicats à se réinventer. Les élections de janvier nous le diront !



Un défi pour l’avenir : trouver des agriculteurs prêts à s'investir dans le syndicalisme et les instances agricoles !


Enfin, trouver des agriculteurs prêts à s’engager pour devenir élus devient de plus en plus difficile. D'une part, la population des chefs d'exploitation tend à diminuer (ils étaient 1,6 million au début des années 80 et nous n'en comptons plus que 390 000 aujourd'hui !). D'autre part, entre des marges faibles, des modèles économiques à réinventer et un droit à l’erreur presque inexistant sur leur exploitation, les producteurs peinent à trouver le temps de s’impliquer dans des fonctions d’élus.


Cette difficulté pourrait entraîner une réflexion sur les modèles de gouvernance. Les syndicats sont concernés, mais pas seulement ! Beaucoup d'institutions agricoles ont à leur tête des élus agriculteurs, citons par exemple les interprofessions et les coopératives. Alors, comment renouveler les instances tout en répondant aux besoins des agriculteurs ? Ces institutions agricoles sont déjà à pied d'œuvre pour trouver des solutions, notamment en développant des dispositifs pour inciter les jeunes agriculteurs à s’investir dans leur gouvernance. L’enjeu de transmission auprès de nouveaux responsables professionnels est fort puisque l’avenir des acteurs clés du monde agricole en dépend !




Conclusion


Les élections des chambres d’agriculture de 2025 ne sont pas de simples élections corporatives. Elles constituent un baromètre des attentes, des frustrations et des espoirs des agriculteurs face aux nombreux défis qu’ils rencontrent. Les résultats fourniront des éclairages précieux sur la capacité de la profession à se mobiliser et à se réinventer dans un monde agricole en profonde évolution. Affaire à suivre !



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