Peut-être que vous ne me connaissez pas encore alors je me présente : Rebecca Green, je travaille avec Louise depuis début Janvier et je suis ravie de pouvoir partager avec vous les expériences que je vis avec La Clé des Champs !
Et en parlant d’expériences, j’en ai vécu une sacrément intense le mois dernier : le Salon International de l’Agriculture. Pour l'occasion, j'ai décidé d'être jurée au Concours Général Agricole le temps d'une matinée. L'inscription s'est faite très facilement sur leur site internet trois semaines avant le début du salon. J'ai donc pu déguster des Crémants de Loire, et ça tombait plutôt bien puisque c'est ma région viticole préférée. Voici comment j'ai vécu ce moment.
L'arrivée au Concours Général Agricole
L'arrivée au hall 7.2 s'est faite sans encombres et j'ai pensé "tout est très bien indiqué". Il y avait au moins une cinquantaine de personnes qui attendaient le feu vert des vigiles pour pouvoir accéder à la session de dégustation de 10h30. Petit à petit le nombre a grandi et de cinquante nous sommes passés à au moins deux cent devant les portes de l'espace de retrait des badges. J'étais impressionnée par toutes ces personnes voulant vivre cette expérience eux aussi, surtout lorsque j'ai intercepté une conversation entre une hôtesse et un juré : elle lui disait que beaucoup de candidatures n'avaient pas pu aboutir car il y avait eu trop de demandes.
Après une petite demi-heure d'attente nous avons pu entrer dans l'espace de dégustation. Un grand nombre de tables rondes étaient disposées en rangs avec au début de chaque rang un panneau indiquant une région viticole. Je me dirigeais donc vers la Loire avec mon numéro de table : le VL49-56. Etant ma première expérience en tant que jurée j'avoue m'être sentie légèrement perdue, je ne savais pas ni combien de temps cela allait prendre, combien de vin j'allais déguster, quel était le système de notation, comment nous allions attribuer des médailles...
J'arrive donc à ma table où deux jurés étaient déjà installés, ce n'était certainement pas leur première expérience. Je prends rapidement connaissance de leurs prénoms, Mélissa est en formation pour devenir viticultrice, Stéphane travaille dans l'alimentation. Raphaël et Alban nous rejoignent à leur tour et complètent la table : nous ne sommes que cinq puisque l'un des jurés ne s'est pas présenté. Avec toute cette agitation je n'avais pas encore noté que nous étions l'une des rares tables où il n'y avait pas de bouteilles préinstallées, avant même que je ne puisse poser la question aux autres co-jurés, Alban, viticulteur, annonce : "ah, pas de bouteilles sur la table ! Vous savez ce que ça veut dire : à nous les bulles !" (car il doit être ouvert en dernière minute pour la qualité de la bulle), avant de nous mettre en garde sur la difficulté d'une telle dégustation.
Bien que j'ai suivi une formation de sommelière en alternance à Bordeaux, je ne me rendais pas vraiment compte de ce qu'une dégustation de Crémants de Loire sous-tendait. Nous allions évaluer 14 crémants différents, blancs et rosés, millésimés ou non. Même si les crachoirs sont là pour nous éviter de boire les 14 vins, le CO² présent dans les vins effervescents fait tout de même tourner la tête, il faut s'accrocher. "Heureusement qu'il y a du pain !" réplique Raphaël. Lui n'est pas du tout issu du milieu viticole ou de l'industrie agroalimentaire mais il a toujours rêvé de pouvoir vivre l'expérience de juré au Concours Général Agricole. Passionné de vin, il a suivi une formation d'une journée financée par le concours pour apprendre les rudiments de la dégustation et être capable de distinguer un vin parmi d'autres.
Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit : le but n'est pas simplement de déterminer s'il plait au dégustateur (ça serait trop subjectif). Il faut pouvoir dire qu'il est au dessus des autres échantillons sur des critères les plus objectifs possibles. La bulle est-elle plus fine que les autres ? Le vin est-il équilibré ? L'acidité contre balance-t-elle la sucrosité résiduelle dans le vin ? Le nez et la bouche sont-ils harmonieux ou bien sont ils trop éloignés l'un de l'autre ? Bref, le but est de mettre à distance ses goûts personnels et de juger un vin pour ses qualités techniques car ce sont celles-ci qui créent souvent un consensus autour d'une table. Alban, le modérateur, grand habitué du concours puisqu'il y a participé aussi en tant que producteur, après avoir répondu à toutes mes questions et nous avoir expliqué le processus de dégustation annonce le début des hostilités.
La dégustation
Je remarque à quel point cette table est éclectique, mais quelque chose nous rassemble : l'amour du vin. Le premier échantillon n'étant pas sur table (car il doit être ouvert en dernière minute pour la qualité de la bulle), Martine s'empresse de nous le servir car "il ne faut pas perdre de temps, quatorze vins ce n'est pas rien !". Pour chaque catégorie, nous dégustons les vins en silence puis faisons un point tous ensemble pour voir à quel point nous tombons d'accord. Pour la première catégorie, nous avons deux médailles à attribuer au maximum, le but n'étant pas forcément de les attribuer toutes si aucun vin ne se distingue des autres. Après avoir dégusté les cinq vins de cette catégorie, nous sommes tous d'accord pour dire que deux vins méritent des médailles et que l'un d'eux est vraiment au dessus : premier consensus. J'étais étonnée par la facilité que nous avons eu à le choisir parmi les échantillons proposés, et c'est bien ce type de vin qui mérite donc une médaille d'or.
Pour les trois catégories suivantes le choix s'avère un peu plus difficile. Et c'est là qu'entrent en œuvre les compétences d'orateurs et de persuasion des uns et des autres. Pour ne laisser personne frustré, nous dégustons certains vins par deux fois : il faut être sûr de ses choix. Et plus la dégustation avance, plus il est délicat d'évaluer un échantillon. Au septième ou huitième je dirais, j'ai pris un moment pour respirer et manger un morceau de pain. J'avais la tête un peu embrumée. Alban a son tour prend une pause autour du dixième échantillon. Nous prenons tous notre rôle à cœur : pour les producteurs c'est un travail de longue haleine qu'il faut pouvoir récompenser si la qualité est là. C'est tellement important pour un vigneron (mais aussi bien pour un oléiculteur, un ostréiculteur, un fromager...) de recevoir une médaille au concours, nous avons donc une grande responsabilité. Car en plus d'être une distinction particulière d'un concours bi centenaire, la reconnaissance d'un travail accompli par des dégustateurs avertis c'est aussi un apport financier pour l'année à venir. Une médaille rapporte entre 18 et 40% de chiffre d'affaires en plus : c'est énorme.
C'est le moment de la dégustation de la dernière catégorie : les Crémants de Loire Rosés millésimés (2020). Je reprends mes esprits et expérimente des nouvelles sensations. L'un des deux vins me paraît être vraiment au dessus de tous les autres et je lui accorde la note de 20/20. Les autres jurés sont surpris mais d'accord pour dire qu'il a quelque chose de particulier. Il se distingue gustativement des autres avec une longueur et des qualités organoleptiques propres et singulières. Médaille d'or.
Les résultats et retours d'expérience
Finir la dégustation comme ça, c'est particulièrement agréable. Nous renseignons la feuille de notation en reprenant chaque vin et en détaillant ce que nous avons ressenti pour être certains de ne pas passer à côté d'un échantillon. Il est aussi important de faire des retours critiques sur un vin n'ayant pas reçu de médaille : le vigneron doit pouvoir comprendre ce qui a pêché pour pouvoir se représenter l'année suivante en appliquant sans doute quelques modifications.
Pendant trois heures, j'ai partagé un moment exceptionnel avec des inconnus autour d'une passion commune. C'est extrêmement gratifiant de récompenser des vignerons pour leur travail acharné. Surtout quand on connaît les réalités du métier et la l'investissement que cela demande au quotidien. C'est un métier où on ne compte pas les heures, où on peut travailler dans des conditions climatiques très difficiles, où on risque de tout perdre avec un gel, un épisode de grêle, une maladie de la vigne... C'était un honneur de pouvoir participer à la valorisation de ces productions et je recommencerai sans aucun doute.
Cette année, 5123 produits et vins ont été récompensés dont 2101 qui ont reçu une médaille d'or. Merci aux vignerons et tous les producteurs qui participent à ce concours, au Concours Général Agricole, aux autres jurés et à l'année prochaine !
Rebecca Green
Vous souhaitez être jurés vous aussi ? Rendez-vous sur cette page. Vous l'aurez compris, pas besoin d'être un professionnel de dégustation ou issu du monde agricole, il vous suffit de suivre une formation prise en charge par le Concours Général Agricole.
Pour retrouver les Crémants de Loire que nous avons médaillé vous pouvez consulter le palmarès du Concours Général Agricole 2023.
Et pour un petit retour en images sur ce que j'ai vécu, voici une vidéo réalisée par l'équipe du SIA 2023 qui résume bien mon expérience.
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